ASSOCIATION DE JURISTES EN POLYNESIE FRANCAISE - AJPF

Wednesday, May 03, 2006

LE PRINCIPE DE PRECAUTION APPLIQUE A L’AGRICULTURE SELON LE CONSEIL D’ETAT

Les travaux de terrassement et l’utilisation massive de pesticides, d’insecticides ou d’engrais pour les besoins de l’agriculture moderne entraînent un impact sur l’environnement, donc à terme sur l’homme. Parmi les consommateurs de poissons que nous sommes, certains, ont pu en faire la douloureuse expérience.

Ils devraient donc lire avec profit la décision rendue le 28 avril par la Section du contentieux du Conseil d’Etat et rejetant les demandes d’annulations présentées pour la société Bayer Cropscience et les syndicats de producteurs de maïs, du retrait de l'autorisation de mise sur le marché du " Gaucho ". Troisième et dernier épisode de cet insecticide dont les deux précédentes autorisations avaient été annulées par le Conseil d’Etat le 9 octobre 2002 et le 31 mars 2004, cette décision met en application le principe connu en droit communautaire de précaution. Elle intervient un mois après que le principe de sécurité juridique ait été consacré par l’intermédiaire de ce que le droit communautaire qualifie de principe de confiance légitime.

Le « Gaucho » est un insecticide systémique qui s’applique sur les semences de maïs avant les semis. Il est donc plus économique que les pesticides et insecticides de surface. Cependant, il entraîne des effets toxiques sur les abeilles.

Les analyses effectuées pour l’édiction du droit communautaire applicable à la matière démontrent en effet, que les abeilles sont très exposées à entrer en contact avec ce produit, en cas d’utilisation sur le maïs. La filière apicole s’était émue à l’époque de l’introduction du produit sur le marché et avait introduit avec succès les recours contre les arrêtés d’autorisation.

La réglementation communautaire, le principe de précaution et les précédentes décisions, appelaient donc logiquement le rejet des demandes en annulation 1 an et 9 mois après le rejet des demandes de suspension par le juge des référés du Conseil d’Etat.

Deux questions de légalité interne et externe paraissent devoir être retenues de cette décision :

1 – lorsque l’administration procède à la consultation d’un organe à laquelle elle n’est pas tenue par un texte, elle doit le faire dans le respect des règles applicables à cet organe ;

2 – lorsque la preuve de l’innocuité d’un produit phytopharmaceutique n’est pas rapportée, l’administration est tenue de retirer l’autorisation de mise sur le marché.

C’est dire que l’administration doit faire preuve de prudence lorsqu’elle sollicite un avis non prévu par la réglementation et lorsqu’elle autorise un produit systémique.

En plus de sa réglementation, elle doit appliquer le principe de précaution. En cas de doute, il lui appartient donc de mettre en œuvre les moyens d’évaluer les risques de sa décision, le cas échéant sur l’environnement. Au juge, revient la tâche d’assurer le contrôle du respect, par l’administration, de cette obligation constitutionnelle.


Philippe Temauiarii NEUFFER
Avocat (Paris)
29/04/2006