Les diplômes étrangers de médecine devant le Conseil d’Etat. : question sans réponse…
(CE Sect° 1er décembre 2006, n° 279517, 283983)
La loi réserve aux titulaires du diplôme français d’Etat de docteur en médecine une forme de monopole d’exercice de la médecine sur le territoire national. Certes des dérogations sont prévues par la loi, mais elles demeurent limitées et fortement encadrées. De plus les organisation de la profession veillent à en contrôler l’application dans l’intérêt de la profession en général et des professionnels en particulier.
Les autorités publiques ont pour leur part, la charge de la santé publique et le soucis de l’organisation de la profession.
Cette préoccupation prend une forme particulière dès lors qu’il s’agit de la partie du territoire national situé à l’extérieur de l’Europe. C’est ce que semble révéler les faits qui ont amenés à la décision de ola Section du contentieux du Conseil d’Etat du 1er décembre.
La loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 avait habilité le gouvernement à prendre, jusqu’au 31 janvier 2005, des ordonnances sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. L’objectif était d’actualiser et d’adapter, en outre mer et entre autre matière, le droit de la santé publique (Art. 61-I-1°-c).
C’est dans ces conditions que le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2005-56 du 26 janvier 2006, relative à l’extension et à l’adaptation du droit de la santé et de la sécurité sociale dans les départements d’outre mer, à Mayotte et à Wallis et Futuna.
L’article 6 de cette ordonnance habilite le préfet à autoriser des médecins titulaires d’un diplôme non reconnu en France à exercer dans la région de Guyane.
Cette prérogative a inquiété le Conseil National de l’Ordre des Médecins au point de l’obliger à saisir le ministres de la santé et celui de l’outre mer d’une demande de « précision quant aux conditions dans lesquelles la formation et l’expérience professionnelle des médecins susceptibles de se voir délivrer une telle autorisation (…) serait contrôlées par le préfet de Guyane ».
Par la suite cet ordre a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de ce qu’il considérait avoir été une demande d’abrogation des dispositions de l’ordonnance.
La juridiction suprême de l’ordre administratif rejette le recours pour deux raisons :
- d’une part, elle considère que la demande dont avait été saisi le Gouvernement ne constituait pas un recours gracieux susceptible de suspendre le délai de recours contentieux, rendant ainsi irrecevable un recours introduit plus de trois mois après la publication de l’ordonnance ;
- d’autre part elle considère qu’une fois le délai d’habilitation fixé par le législateur dépassé, le gouvernement ne peut plus modifier ou abroger les dispositions relevant de la loi d’une ordonnance qui conserve le caractère d’un acte administratif tant qu’elle n’a pas été ratifiée par le parlement.
Cette décision est particulièrement intéressante pour le régime juridique des ordonnances de l’article 38 de la Constitution. En effet il est précisé que le gouvernement saisi d’une demande dans sens, ne peut plus modifier les dispositions d’une ordonnance qui relèvent du domaine de la loi, une fois le délai de ratification dépassé, à moins d’y être autorisé par une nouvelle loi d’habilitation. Dans ces conditions, une demande d’annulation d’un refus d’abroger ces mêmes dispositions semblait vouée à l’échec.
Peut-on en déduire qu’un recours pour excès de pouvoir ne pourrait être exercé à l’encontre de ces dispositions ? L’irrecevabilité du recours n’a pas permis au Conseil d’Etat de répondre explicitement à cette question.
Demeure également posée la question de la légalité des dispositions qui permettent aux médecins titulaires d’un diplôme non reconnu en France d’exercer leur profession sur le territoire national situé au-delà de l’océan Atlantique.
Philippe Temauiarii NEUFFER
Avocat (Paris)
2/01/2007
(CE Sect° 1er décembre 2006, n° 279517, 283983)
La loi réserve aux titulaires du diplôme français d’Etat de docteur en médecine une forme de monopole d’exercice de la médecine sur le territoire national. Certes des dérogations sont prévues par la loi, mais elles demeurent limitées et fortement encadrées. De plus les organisation de la profession veillent à en contrôler l’application dans l’intérêt de la profession en général et des professionnels en particulier.
Les autorités publiques ont pour leur part, la charge de la santé publique et le soucis de l’organisation de la profession.
Cette préoccupation prend une forme particulière dès lors qu’il s’agit de la partie du territoire national situé à l’extérieur de l’Europe. C’est ce que semble révéler les faits qui ont amenés à la décision de ola Section du contentieux du Conseil d’Etat du 1er décembre.
La loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 avait habilité le gouvernement à prendre, jusqu’au 31 janvier 2005, des ordonnances sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. L’objectif était d’actualiser et d’adapter, en outre mer et entre autre matière, le droit de la santé publique (Art. 61-I-1°-c).
C’est dans ces conditions que le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2005-56 du 26 janvier 2006, relative à l’extension et à l’adaptation du droit de la santé et de la sécurité sociale dans les départements d’outre mer, à Mayotte et à Wallis et Futuna.
L’article 6 de cette ordonnance habilite le préfet à autoriser des médecins titulaires d’un diplôme non reconnu en France à exercer dans la région de Guyane.
Cette prérogative a inquiété le Conseil National de l’Ordre des Médecins au point de l’obliger à saisir le ministres de la santé et celui de l’outre mer d’une demande de « précision quant aux conditions dans lesquelles la formation et l’expérience professionnelle des médecins susceptibles de se voir délivrer une telle autorisation (…) serait contrôlées par le préfet de Guyane ».
Par la suite cet ordre a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de ce qu’il considérait avoir été une demande d’abrogation des dispositions de l’ordonnance.
La juridiction suprême de l’ordre administratif rejette le recours pour deux raisons :
- d’une part, elle considère que la demande dont avait été saisi le Gouvernement ne constituait pas un recours gracieux susceptible de suspendre le délai de recours contentieux, rendant ainsi irrecevable un recours introduit plus de trois mois après la publication de l’ordonnance ;
- d’autre part elle considère qu’une fois le délai d’habilitation fixé par le législateur dépassé, le gouvernement ne peut plus modifier ou abroger les dispositions relevant de la loi d’une ordonnance qui conserve le caractère d’un acte administratif tant qu’elle n’a pas été ratifiée par le parlement.
Cette décision est particulièrement intéressante pour le régime juridique des ordonnances de l’article 38 de la Constitution. En effet il est précisé que le gouvernement saisi d’une demande dans sens, ne peut plus modifier les dispositions d’une ordonnance qui relèvent du domaine de la loi, une fois le délai de ratification dépassé, à moins d’y être autorisé par une nouvelle loi d’habilitation. Dans ces conditions, une demande d’annulation d’un refus d’abroger ces mêmes dispositions semblait vouée à l’échec.
Peut-on en déduire qu’un recours pour excès de pouvoir ne pourrait être exercé à l’encontre de ces dispositions ? L’irrecevabilité du recours n’a pas permis au Conseil d’Etat de répondre explicitement à cette question.
Demeure également posée la question de la légalité des dispositions qui permettent aux médecins titulaires d’un diplôme non reconnu en France d’exercer leur profession sur le territoire national situé au-delà de l’océan Atlantique.
Philippe Temauiarii NEUFFER
Avocat (Paris)
2/01/2007